Dans une décision rendue mardi, la Cour supérieure du Québec a validé la Loi sur la laïcité de l’État, plus connue sous le nom de loi 21, avec certaines exceptions. Adoptée par l’Assemblée nationale en juin 2019, cette loi interdit le port des signes religieux pour les fonctionnaires de l’État en position d’autorité, dont les enseignants du primaire et du secondaire dans le réseau public, pendant les heures de travail. Dans un jugement de 240 pages, le juge Marc-André Blanchard valide la loi, mais estime que certains articles ne s’appliquent pas aux élus de l’Assemblée nationale ainsi qu’aux réseaux scolaires publics anglophones. La Commission scolaire English Montréal (CSEM), l’une des parties contestataires de la loi, s’est dite satisfaite de cette décision. Son président Joe Ortona croit que « cette loi a des effets négatifs sur le personnel et la culture de tolérance véhiculée dans les écoles de sa commission scolaire ». « Il nous a fallu refuser des emplois à des candidats et des candidates qui étaient qualifiés, certains ont refusé des promotions et d’autres n’ont tout simplement pas postulé », a-t-il dit dans une vidéo. « La loi force les individus à choisir entre un emploi au gouvernement et le désir de porter des signes religieux », a-t-il ajouté. Les avocats du réseau scolaire anglophone estimaient que la Loi sur la laïcité contrevenait à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés qui protège le droit à l’instruction dans la langue de la minorité. Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice du Québec - Photo : La Presse canadienne/Jacques Boissinot Le gouvernement du Québec n’a pas tardé à réagir par la voix de son ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette. Il a indiqué qu’il fera appel. Selon lui, le jugement de la Cour supérieure crée une division dans l’application de la loi en fonction d’un critère linguistique. « L’article 23 de la loi constitutionnelle de 1982 n’a pas été conçu pour ça, alors nous irons en appel », a-t-il dit. Les lois du Québec doivent s’appliquer pour tous et sur l’ensemble du territoire québécois. Il n’y a pas deux Québec, il n’y en a qu’un seul.Simon Jolin-Barrette Peu après son ministre de la Justice, le premier ministre du Québec, François Legault, est allé dans le même sens et a exprimé sa déception. « C'est comme si la laïcité et les valeurs ne seraient pas protégées de la même façon pour les Anglo-Québécois et les francophones. Pour tous les Québécois, il doit y avoir des valeurs communes. Il va falloir se poser des questions : pourquoi les droits des Anglo-Québécois ont un impact sur nos valeurs communes », a-t-il déclaré. Des manifestants en faveur de la loi sur la laïcité à Montréal - Photo : Radio Canada/Jacaudrey Charbonneau Pour pouvoir adopter la Loi sur la laïcité, le gouvernement a eu recours à une disposition de la loi fondamentale canadienne appelée la clause dérogatoire ou clause nonobstant. Elle lui permet d’éviter une contestation de la loi par ceux qui estiment qu’elle est discriminatoire et contraire à la Charte des droits. Malgré cette clause, les contestataires ont allégué que la Loi sur la laïcité cause des torts sérieux aux minorités religieuses et aux droits des femmes musulmanes qui portent le voile. Il ne fait aucun doute qu’en l’espèce la négation par la loi 21 des droits garantis par les chartes entraîne des conséquences sévères sur les personnes visées. Non seulement ces personnes se sentent ostracisées et partiellement mises à l’écart de la fonction publique québécoise, mais en plus certaines voient leur rêve devenir impossible alors que d’autres se trouvent coincées dans leur poste sans possibilité d’avancement ou de mobilité. De plus, la loi 21 envoie, en outre, le message aux élèves issus des minorités portant des signes religieux qu’ils doivent occuper une place différente dans la société et qu’à l’évidence la voie de l’enseignement public, au niveau préscolaire,